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Noémie Renard : Après #MeToo,

il n’est plus possible de tolérer

la violence de la prostitution

#nabrogezpas

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Comment est-il possible, plus d’un an après #MeToo, de fermer les yeux sur la violence qu’est la prostitution ? Comment peut-on dire aux hommes de respecter l’intégrité corporelle des femmes, s’ils ont le droit d’acheter l’accès au corps de celles qui n’ont pas ou peu d’autres choix ? Noémie Renard, autrice du blog Antisexisme et de "En finir avec la culture du viol", nous livre son analyse.

Il y a un peu plus d’un an, naissait le mouvement #MeToo. Celui-ci n’a pas été seulement un moment de dénonciation d’agresseurs sexuels et violeurs : il a aussi été celui d’un débat de fond sur les rapports entre femmes et hommes, la sexualité dans un monde patriarcal et le consentement.

Avec #MeToo, on avait enfin compris que les violences sexuelles, ce n’était pas seulement des agresseurs qui mettaient un couteau sous la gorge de leur victime. On réalisait que, bien souvent, les violeurs et agresseurs sexuels n’ont pas besoin d’utiliser une arme ou de prodiguer des coups pour obtenir de leur victime un rapport sexuel non désiré : les phénomènes d’emprise et les situations de dépendance, émergeant de rapports de pouvoir inégalitaires (rapports sociaux de genre, de classe, de race…), sont largement suffisants.

 

Parler de liberté d'entreprendre est hors de propos

Les femmes dans la prostitution sont très souvent défavorisées, venues de régions pauvres du monde, issues des classes populaires, subissant racisme et sexisme ou encore victimes de violences dans l’enfance. La prostitution n’est donc pas le résultat d’un choix libre, mais plutôt la conséquence d’un manque d’opportunités. Parler de « liberté d’entreprendre » (l’un des arguments de la QPC) est totalement hors propos.

Les femmes qui consentent à des rapports sexuels contre de l’argent ne le font pas plaisir, mais parce qu’elles ont un loyer à payer et un frigo à remplir. Et c’est sans parler de celles qui sont victimes de la violence des proxénètes. On est donc en présence, au minimum, de « coercition économique », un levier utilisé par certains hommes pour contraindre des femmes (mais aussi des enfants ou d’autres hommes) à des rapports sexuels non désirés. Autrement dit, la contrainte fait intrinsèquement partie de la prostitution.

Comment est-il possible, plus d’un an après #MeToo, de fermer les yeux sur la violence qu’est la prostitution ? Comment peut-on dire aux hommes de respecter l’intégrité corporelle des femmes, s’ils ont le droit d’acheter l’accès au corps de celles qui n’ont pas ou peu d’autres choix ? A quoi cela sert-il d’insister sur le désir des femmes comme condition préalable à un acte sexuel, si l’on peut s’en passer grâce au pouvoir de l’argent ? Comment est-il possible de condamner les formes de pressions ordinaires qu’usent les hommes pour contraindre les femmes à des rapports sexuels non désirés (chantage, menace, insistances…), si en parallèle on tolère la coercition économique ? La lutte pour le droit de chaque femme au respect de son intégrité physique ne peut que passer par une condamnation du système prostitueur.

 

La loi ne fait pas tout

La loi abolitionniste du 13 avril 2016 va dans le bon sens. D’un côté, en pénalisant le client prostitueur, elle réprime le droit des dominants à user de leur pouvoir économique pour imposer des rapports sexuels non désirés à autrui. De l’autre, en mettant en place des « parcours de sortie de la prostitution et d'insertion sociale et professionnelle », elle offre aux personnes coincées dans ce système des alternatives. Ces deux volets ne sont pas indissociables. Reste l’application de la loi : pour le moment, seuls quelques départements ont mis en place la pénalisation des clients ; et les parcours de sortie sont très largement sous-financés. Charge aux féministes abolitionnistes de continuer à faire pression pour que cette loi devienne réellement effective.

Enfin, n’oublions pas qu’une loi ne fait pas tout. Les féministes doivent, évidemment, poursuivre leur combat contre les inégalités entre femmes et hommes. Elles doivent aussi militer pour des politiques sociales (logement, minima sociaux, salaires, …) et migratoires qui aident (et ne pénalisent pas) les personnes les plus vulnérables. Elles doivent veiller à ce que les victimes de la traite soient protégées et soutenues. Il faut continuer leur travail de sensibilisation aux violences sexuelles, prostitution inclue. Outre la loi, c’est en menant une lutte globale contre toutes les formes d’inégalités que nous mettrons fin au système prostitueur.

 

Blog Antisexisme